« Rumble in the Jungle » : le 30 octobre 1974 à Kinshasa, Muhammad Ali, ancien champion du monde des poids lourds, affronte George Foreman, un jeune et féroce titan du ring toujours invaincu. Un événement planétaire aux confins du Noble Art et de la géopolitique.
Le 30 octobre 1974, dans la nuit chaude zaïroise, vers 4h du matin, plus de 60 000 spectateurs massés dans l’enceinte du Stade du 20 mai scandent un mystérieux chant rythmique en lingala : « Ali Bomayé, Ali Bomayé… ! ». Etrange chorale qui monte comme une supplique, une prière pour le champion du peuple. Traduction : « Ali, tue-le ! Ali, tue-le ! ». La clameur, fervente, constante, transcende Muhammad Ali, 32 ans, qui est sur le point d’affronter le terrifiant George Foreman, 26 ans, roi du K.O et toujours invaincu. Donné perdant par les bookmakers et la plupart des observateurs spécialisés, Ali veut étonner le monde. Accomplir un miracle : reconquérir son titre unifié de champion du monde des poids lourds dont il a été privé pour des raisons politiques plusieurs années auparavant. Considéré comme un héros par ses “frères d’Afrique” comme il les appelait affectueusement, il trouve dans ce soutien populaire et massif une force et une énergie inépuisables.
L’Afrique, terre de renaissance pour le prodige de Louisville ? Lui, en est convaincu. C’est ici, sur le territoire de ses ancêtres, qu’il retrouvera son bien. À cette époque, la République du Zaïre, dirigée par Mobutu Sese Seko depuis 1965, cherche à se forger une image rassurante sur la scène internationale. L’organisation de ce combat monumental, orchestrée par le sulfureux agent sportif Don King, sert de vitrine à l’Afrique, prouvant ainsi sa capacité à accueillir des événements d’envergure mondiale. Le choix de Kinshasa comme hôte de ce duel historique n’est pas anodin ; il reflète une stratégie visant à utiliser le sport comme outil de légitimation politique et d’influence.
Champion de la cause noire
Chouchou du public africain, le protégé d’Angelo Dundee est un symbole pour tout le continent. Il a rejeté son nom d’esclave, dénoncé le racisme aux États-Unis, refusé de participer à la guerre au Vietnam, s’est converti à l’islam… Pour toutes ces raisons, Muhammad Ali est devenu le champion de la cause noire et une figure de la lutte contre l’impérialisme américain, le colonialisme des grandes puissances. Lui-même se définit avec fierté comme africain, ce qui a considérablement entretenu sa popularité et son lien avec les populations locales. George Foreman, lui, est perçu comme un afro-américain domestiqué par les institutions des États-Unis, sans lien affectif avec le continent.
La population zaïroise s’est donc naturellement rangée derrière Muhammad Ali, le voyant comme un symbole de résistance et un héros de l’identité africaine. George Foreman, quant à lui, a commis une erreur fatale en arrivant au Zaïre accompagné d’un berger allemand, rappelant aux Congolais les jours sombres de la colonisation belge. Contrairement à Foreman, qui séjournait dans un palace, Ali a choisi de vivre parmi la population, renforçant ainsi sa proximité avec les Zaïrois.
Au couleurs de l’Afrique
Au-delà du titre mondial des poids lourds qui était en jeu ce soir-là, cette confrontation au sommet – aussi connue sous le nom de « Rumble in the Jungle » – sonnait aussi comme une affirmation symbolique de la puissance, de la résistance et de l’identité africaines. C’est tout cet arrière-plan politique et historique que célèbre notre collection « Ali Bomayé ! Ali Bomayé ! ». Aux couleurs de l’Afrique, elle capture l’esprit unique de ce combat historique qui est inscrit dans notre mémoire collective. Les couleurs vives et les motifs géométriques inspirés de l’artisanat traditionnel africain forment une superbe représentation visuelle de la culture et de l’histoire du continent. L’interaction des couleurs et des formes de cette oeuvre “Ali Bomayé” n’est pas seulement une évocation de l’affrontement épique entre Ali et Foreman, mais aussi une célébration de ce riche patrimoine culturel.
Ode à la résilience
Transcendé par la ferveur de ce soutien populaire, Muhammad Ali récupèrera son titre de champion du monde WBC et WBA des poids lourds par K.O au 8ème round. L’évènement sera élu combat de l’année 1974 par la prestigieuse revue Ring Magazine. Mais au-delà de la performance sportive, c’est aussi une victoire de l’Afrique sur les USA, de la liberté sur l’oppression raciale, de la dignité humaine sur la domination et l’exploitation. Notre œuvre “Ali Bomayé ! » capture cet instant historique où un homme a défié les attentes et les normes pour se battre pour un idéal plus grand. C’est une ode à la résilience, à la persévérance et aux valeurs universelles de justice et de fraternité.
Nasser Negrouche