Mike McCallum, le voleur de corps qui faisait peur aux étoiles…
The Body Snatcher

Mike McCallum, le voleur de corps qui faisait peur aux étoiles…

Résumé

Premier champion du monde de l’histoire de la Jamaïque, maître tacticien et cogneur redouté, il s’est éteint samedi 31 mai à Las Vegas à l’âge de 68 ans. Mike McCallum laisse l’image d’un surdoué du ring, injustement tenu à l’écart des sommets de la célébrité.

On l’appelait « The Body Snatcher ». Le voleur de corps, en référence à sa capacité glaçante à saper la résistance de ses adversaires par les coups destructeurs qu’il leur assénait aux flancs. Samedi 31 mai, alors qu’il se rendait à la salle de boxe de Las Vegas où il transmettait son art, le cœur de ce métronome des rings a subitement cessé de battre.

De Kingston au Madison Square Garden

Né Michael McKenzie McCallum, le 7 décembre 1956 à Kingston, aîné d’une fratrie de huit enfants, il grandit au sein d’un quartier modeste de la capitale jamaïcaine. L’île vibre alors plus pour le cricket et l’athlétisme que pour le Noble Art. Son entrée précipitée dans le monde de la boxe, il la doit à une bagarre de rue dans son adolescence. L’épisode agit comme une sorte de révélateur de ses prédispositions à la castagne. Mais cette vocation naissante se heurta rapidement à l’opposition d’une famille profondément pieuse, peu encline à voir l’un des siens s’engager dans un sport aussi violent. Bientôt, une autre évidence s’imposa : pour que son indéniable talent pugilistique puisse éclore, il lui faudrait chercher ailleurs l’encadrement sportif adéquat. Ce sera donc l’exil. D’abord au Canada, à Edmonton, où il remporte l’or pour sa Jamaïque natale aux Jeux du Commonwealth de 1978. Il évolue alors dans la catégorie des poids welters. Deux ans plus tôt, en 1976, aux Jeux Olympiques de Montréal, l’aventure s’était arrêtée en quart de finale pour le jeune prodige de Kingston. Ceux de Moscou en 1980 lui échapperont cruellement puisqu’il dut renoncer à la compétition en raison d’une crise d’appendicite survenue au village olympique.

Son entrée précipitée dans le monde de la boxe, il la doit à une bagarre de rue dans son adolescence. L’épisode agit comme une sorte de révélateur de ses prédispositions à la castagne.

Le début d’un règne implacable

Passé professionnel en 1981 à New York, McCallum impose rapidement sa boxe intelligente et terriblement efficace. Déjà, sa spécialité s’affirme : casser la résistance de ses adversaires par de puissants coups répétés au corps. Pourvu d’un menton d’acier, il n’ira jamais au tapis en 55 combats. Une vie de combats qui n’épargnera pas l’homme : en 1984, son épouse décède prématurément. Les trois jeunes filles du couple seront confiées aux soins de leur grand-mère maternelle. Un choc qui n’arrêtera pas l’ascension du champion.

La même année, le 19 octobre 1984, au Madison Square Garden, il entre dans l’histoire en devenant le premier Jamaïquain champion du monde. Il s’empare de la ceinture WBA des super-welters (-69,853 kg) face à l’Irlandais Sean Mannion. Ce sera le début d’un règne implacable, avec six défenses victorieuses, toutes avant la limite, dont des démonstrations face à des pointures comme Milton McCrory ou le redoutable « Cobra » Donald Curry, foudroyé en cinq rounds en 1987.

Trilogie mémorable

Sa montée chez les poids moyens (-72,574 kg) le voit d’abord trébucher face à l’excellent italo-congolais Sumbu Kalambay en 1988, avant de s’emparer du titre WBA un an plus tard aux dépens du Britannique Herol Graham, au Royal Albert Hall de Londres. Il défendra cette ceinture avec succès contre Steve Collins et Michael Watson, et prendra une revanche éclatante sur Kalambay à Monaco en 1991. Mais c’est aussi dans cette catégorie qu’il croisera le fer avec James Toney, autre légende en devenir, pour une trilogie mémorable (un nul, deux défaites) qui le privera du titre IBF. Toney dira plus tard de McCallum qu’il fut son plus redoutable adversaire.

Trop dangereux, pas assez flamboyant

Technicien surdoué, McCallum n’accéda pourtant jamais au rang de superstar du Noble Art. À une époque où brillaient les Leonard, Hagler, Hearns et Duran, son nom circulait avec respect dans le milieu, mais aussi avec une certaine méfiance… Ce qui le priva des affrontements les plus lucratifs et d’une reconnaissance populaire à la hauteur de son immense talent. Trop dangereux, pas assez flamboyant pour le grand public américain, il restera cet artisan de génie dont les chefs-d’œuvre pugilistiques se déroulaient parfois dans une relative pénombre médiatique. Il lui manquait, peut-être, ce grain de folie qui habitait ses prestigieux rivaux.

6 combats en France

Le « Body Snatcher » avait un lien particulier avec la France, où il disputa six combats. Le public parisien se souvient de sa défense victorieuse au Zénith, le 26 octobre 1986, contre le puncheur Français Saïd Skouma, arrêté au neuvième round. C’est en revanche à Lyon, au Palais des Sports de Gerland, le 16 juin 1995, qu’il cédera sa ceinture WBC des mi-lourds (-79,379 kg) aux points face à Fabrice Tiozzo. Ce titre, il l’avait conquis un an plus tôt – à 38 ans – en détrônant le rude Australien Jeff Harding. Retiré des rings en 1997 après une ultime défaite contre James Toney, il s’était reconverti en entraîneur à Las Vegas aux côtés de son ami et ancien champion Eddie Mustafa Muhammad.

Démolisseur patient et méthodique, il n’aimait pas les paillettes et pratiquait la boxe comme une discipline spirituelle. Frapper les flancs de ses adversaires avec dévotion, rigueur et persévérance, telle était la mission sacrée du voleur de corps.

Mission sacrée

Intronisé à l’International Boxing Hall of Fame dès 2003, il était une figure mondialement respectée du Noble Art . « C’est avec une profonde et totale tristesse que j’ai appris la mort du triple champion du monde de boxe jamaïquain Michael McKenzie McCallum », a réagi Olivia Grange, ministre jamaïcaine des sports, saluant une « légende ». La WBA, elle, a rendu hommage à « l’un des combattants les plus doués techniquement de son époque », et remercié le champion « pour les combats, les leçons et la grandeur ».

Mike McCallum n’était pas de ceux qui haranguaient les foules, dansaient sur le ring ou faisaient les clowns à la conférence de presse. Il attendait le premier coup de gong pour parler avec ses poings et écrire sa légende au fil des rounds. Démolisseur patient et méthodique, il n’aimait pas les paillettes et pratiquait la boxe comme une discipline spirituelle. Frapper les flancs de ses adversaires avec dévotion, rigueur et persévérance, telle était la mission sacrée du voleur de corps.

PartagezFacebookX
Qu'en pensez-vous ?