Éternel Marcel…

Éternel Marcel…

Véritable héros populaire, enfant chéri de la France de l’après-guerre, Marcel Cerdan, foudroyé en plein ciel à 33 ans, est entré dans la légende. Bien plus qu’un champion de boxe, il est une image toujours vivante du rêve français.

Icône de la boxe tricolore, flamboyant porte-drapeau de l’école française du Noble Art, Marcel Cerdan (1916-1949), champion du monde des poids moyens (1948), 114 combats (110 victoires dont 65 par KO, 4 défaites) est une figure emblématique de notre patrimoine. Un champion dont nous sommes tous fiers, un visage fédérateur, une référence commune dont le destin tragique nous bouleverse. Né sous le soleil d’Algérie de parents originaires d’Espagne, il a grandi au Maroc où il est devenu boxeur au début des années 30, avant de se fixer à Paris en 1938. Très vite, il impressionne le public métropolitain par sa puissance, sa vitesse et sa combativité. Mais aussi par son humilité, sa gentillesse et sa bonne humeur si contagieuse. 

Un résistant qui humilie les nazis

Héros populaire, Le bombardier marocain part alors à la conquête du monde. Multiple champion de France et d’Europe des poids welters et moyens (à partir de 1944), il rêve déjà de décrocher le titre suprême. Mais la Seconde Guerre mondiale freine ses ambitions. Mobilisé dans la Marine au Maroc, il continue pourtant à s’entraîner et à boxer régulièrement malgré une interruption d’environ 18 mois entre juin 1939 et janvier 1941. Le 30 septembre 1942, au Vel d’Hiv, dans Paris occupée, Marcel Cerdan affronte l’Espagnol José Ferrer pour le titre européen des poids welters. Le combat se déroule devant 16 000 personnes dont de nombreux nazis venus supporter leur chouchou venu d’Espagne. Celui-ci a revêtu un peignoir rouge orné d’une croix gammée… Indigné, Cerdan est bien décidé à corriger cet ennemi de la France libre. Il exécute Ferrer en 82 secondes après l’avoir envoyé 5 fois au tapis. Le public est aux anges ! Debout, il entonne une vibrante Marseillaise – pourtant interdite – devant un parterre de nazis déconfits… Deux mois plus tôt, les 16 et 17 juillet 1942, plus de l3000 Juifs dont un tiers d’enfants avaient été raflés dans la capitale et transportés au Vel’ d’Hiv dans l’attente de leur déportation vers les camps de la mort. Après sa victoire, prudent, Marcel se fait discret et repart vite au Maroc.

Les Français en transe derrière leur TSF

Entre 1945 et 1948, il affronte et bat les meilleurs poids moyens français (Jean Despeaux, Assane Diouf, Edouard Tenet, Robert Charron, Jean Walczak…), européens (il concèdera une défaite aux points face au Belge Cyrille Delannoit en mai 1948 avant de prendre sa revanche deux mois plus tard) et mondiaux (Holman Williams, Georgie Abrams, Harold Green, LaVern Roach…).

Le 21 septembre 1948, au terme d’un combat d’une rare violence face à Tony « Man of Steel » Zale, Marcel Cerdan s’empare de la ceinture mondiale des poids moyens au Stade Roosevelt de Jersey City. Soulé de coups, laminé, L’homme d’acier préfère abandonner à l’appel du 12ème round. À 6000 kilomètres du ring, en France, le pays explose de joie vers 4h du matin. Derrière les postes TSF, tout un peuple exulte, incrédule et heureux jusqu’aux larmes. Le retour à Paris est triomphal. Les scènes de liesse se multiplient dans la capitale. Cerdan, ému, confiera avec son humilité habituelle lors de la réception donnée en son honneur à l’Hôtel de Ville de Paris : « c’est trop pour moi… ». L’événement, pourtant, est historique : c’est la première fois, depuis la fin du XIXe siècle, que le champion du monde unifié des moyens n’est pas américain.

D’une seule main face à LaMotta 

Le 16 juin 1949, au Briggs Stadium de Détroit, en plein air, notre Marcel perd sa couronne – dans des circonstances plutôt étranges – face à Jake LaMotta. Blessure à l’épaule de Marcel après une glissade sur le ring au 1e round ? Combat arrangé avec l’entourage mafieux du Taureau du Bronx ? À l’appel de la 10ème reprise Marcel est dans l’incapacité physique de reprendre le combat. Il a toujours expliqué qu’il n’était pas en possession de tous ses moyens face à son adversaire : “Peu de temps après le début du combat, j’ai été déséquilibré et j’ai glissé sur le ring. En tombant, j’ai ressenti une douleur à l’épaule gauche. La douleur s’est accentuée et chaque round est alors devenu un vrai calvaire. C’était un combat inégal”. Il suffit de regarder le combat pour s’apercevoir que Marcel ne pouvait effectivement pas utiliser normalement son bras gauche. Et donc son dévastateur crochet donné de la même main… Au 9ème round, il ne boxe d’ailleurs quasiment plus qu’avec sa droite. Insuffisant pour stopper les furieuses attaques d’un LaMotta déchaîné, galvanisé par son public… La revanche, d’abord prévue en septembre de la même année puis reportée au mois de décembre, n’aura hélas jamais lieu…

Le Constellation F-BAZN ne répond plus

Les deux hommes devaient se retrouver le 2 décembre 1949 sur le ring du Madison Square Garden à New-York. Mais, pour le moment, c’est une autre vedette française qui tient le haut de l’affiche dans la ville qui ne dort jamais. Sur la scène d’un cabaret chic de Manhattan, Le Versailles, la môme Piaf ensorcelle le public new-yorkais avec sa voix rocailleuse qui sent bon l’air de Belleville et la gouaille de Ménilmontant. Ce n’est un secret pour personne Edith et Marcel vivent un amour fou, passionné, unique depuis 1947. Impatiente de retrouver son amant, la chanteuse l’implore par téléphone d’avancer sa venue aux États-Unis, de prendre l’avion plutôt que le bateau. Ce coup de fil du 24 octobre sera fatal. Marcel accepte et se précipite trois jours plus tard à Orly avec son manager Jo Longman et son ami Paul Genser. Trois jours plus tard, le 27 octobre 1949, à 20h06, le vol régulier Air France 009 entre Paris-Orly et New-York La Guardia décolle avec 37 passagers et 11 membres d’équipage à son bord. Quelques heures plus tard, vers 2h50, le 28 octobre, le Lockheed Constellation F-BAZN s’écrase contre le Pico de Vara sur l’île de Sao Miguel aux Açores. Aucun survivant.

Dieu réunit ceux qui s’aiment

Fauché en plein ciel à 33 ans, Marcel Cerdan, enfant chéri du pays, fierté nationale, entre dans l’éternité. La nouvelle fait le tour du monde et plonge la France dans la sidération.  Piaf s’effondre et s’enfoncera dans une longue dépression. Identifié par une équipe de sauveteurs, le corps du champion est transféré au Maroc où se trouve alors sa famille. Le 10 novembre, plus de 70 000 personnes assistent à son inhumation à Casablanca (cimetière de Ben M’Sik). 46 ans plus tard, le 29 octobre 1995, à la demande de sa femme Marinette, la dépouille est rapatriée en France dans le cimetière du Sud de Perpignan. C’est la mort d’un champion et la naissance d’un mythe. Celui de l’éternel Marcel que nous célébrons avec émotion sur Boxing Art Shop en écoutant les dernières paroles du bouleversant Hymne à l’amour que lui avait dédié Edith Piaf : « Nous aurons pour nous l’éternité / Dans le bleu de toute l’immensité / Dans le ciel, plus de problème / Mon amour, crois-tu qu’on s’aime ? / Dieu réunit ceux qui s’aiment ».

Nasser Negrouche

Découvrez la collection spéciale “Éternel Marcel” de ma boutique Boxing Art Shop :

PartagezFacebookX
Qu'en pensez-vous ?